Cartonner en Maths au collège grâce à la Pensée Visuelle

Et si le dessin vous sauvait en maths ?

Faire des maths un jeu… Bof ! Mais peut-être pouvez-vous mettre du jeu et du fun dans la forme ?

Et si vous troquiez le cahier 96 pages petits carreaux contre des feuilles blanches et des feutres ? Plus sympa, non ?

Fun + Visuel = Motivation + Efficacité

Voilà une belle équation ! J

 

Mettre plus de « visuel » dans sa façon d’apprendre permet de gagner en efficacité. Voyons comment la pensée visuelle aide à actionner les différents processus 

pensée visuelle

L’attention

C’est la porte d’entrée de l’activité mentale. Par l’attention, nous entrons en relation avec l’objet ou le sujet d’étude. Ceci suppose de faire un tri dans toutes les informations et les sollicitations qui nous parviennent. Le fait de prendre un crayon en main, de se focaliser sur sa feuille, sur les liens entre les idées, sur les couleurs et sur la façon d’illustrer tel ou tel point permet de diriger et de maintenir son attention sur le sujet.

Une page colorée, proposant des dessins et une structuration spatiale, apparait comme bien moins ennuyeuse à créer ou à lire qu’un texte noir et blanc.

Par ailleurs, le fait de synthétiser les informations en mots-clés et de les hiérarchiser permet d’éviter l’éparpillement des pensées.

 

La mémorisation

Notre cerveau traite une image bien plus rapidement qu’un mot. Remplacer ou rajouter une illustration à une information va donc renforcer la mémorisation de celle-ci.

Comment par exemple bien ancrer en mémoire les théorèmes phares du collège : Pythagore et Thalès ? Et surtout les liens entre :

·        le théorème de Pythagore et les triangles rectangles,

·        le théorème de Thalès et les droites parallèles et les droites sécantes

 

 

 

Nous plaçons souvent chronologiquement la compréhension avant la mémorisation. Nous mémoriserons mieux quelque chose que nous avons bien compris. Mais il est également important de travailler la mémorisation en tant que telle : « apprendre par cœur » reste fondamental.

Les tables de multiplication en sont un parfait et fameux exemple. C’est important de comprendre que 3 x 4 c’est 4 + 4 + 4 et on peut donc retrouver le résultat ainsi. Mais il sera beaucoup plus rapide et efficace de connaitre par cœur le résultat (3×4=12) : on gagne du temps, on économise de l’énergie, la tâche est automatisée et donc le cerveau est plus disponible pour la réflexion par exemple !

pensée visuelle/mathématique

La réflexion

Réfléchir sur un sujet permet justement de mobiliser ses connaissances c’est-à-dire les informations que l’on a mémorisées. L’important va être de les trier et de les relier aux données du problème.

A tous les niveaux scolaires, la stratégie permettant de partir du concret pour aller vers l’abstrait est particulièrement efficace pour enseigner les mathématiques. Elle se décompose en trois stades :

·        Le concret : on utilise des objets (des cubes, des Legos…) pour représenter les données mathématiques. C’est le stade de la manipulation sensorielle.

·        La représentation visuelle : dessins, schémas…

·        L’abstrait : on utilise des symboles et des nombres mathématiques.

 

La représentation visuelle est une compétence importante : la visualisation et les capacités de raisonnement spatial sont nécessaires pour résoudre des problèmes en maths et en sciences. Mais cette compétence n’est pas forcément naturelle, elle doit être acquise et pratiquée.

On peut distinguer deux types de représentation :

        Figurative : elle représente l’aspect visuel des objets, c’est un dessin.

        Schématique : elle représente les relations entre les objets.

 

ð  La représentation schématique est plus efficace pour résoudre des problèmes mathématiques.

Prenons l’exemple de ce problème : (extrait de l’article « L’utilisation efficace des diagrammes en mathématiques » de Jeffrey MacCormack et Ian Matheson, https://www.taalecole.ca/lutilisation-efficace-des-diagrammes/).

Ahmed participe à un triathlon de 78 kilomètres. Il doit parcourir une distance de 3 kilomètres à la nage. La distance qu’il doit parcourir à vélo est quatre fois plus grande que celle qu’il doit parcourir à la course. Quelle distance parcourra-t-il en vélo durant le triathlon?

Voici un exemple de représentation figurative :

Sont représentées la ligne de distance et les 3 étapes du triathlon : nage, vélo, course. On peut en déduire que la distance vélo+course est de 75 km mais ce schéma ne permet pas de déterminer la distance parcourue à vélo.

Et voici une représentation schématique faisant apparaitre des blocs pour montrer que la distance à vélo est 4 fois plus grande que celle parcourue à la course. Ce qui fait 5 blocs égaux qui représentent en tout 75 km (5×15). L’athlète parcourt donc 60 kms à vélo.

Ce schéma permet de représenter le problème et de le résoudre.

Les représentations visuelles, notamment les schémas comme nous venons de le voir, permettent donc aux élèves de réfléchir et de résoudre des problèmes d’une façon différente. Cette possibilité ouvre les horizons et peut fortement soulager et soutenir certains jeunes mal à l’aise dans cet univers trop abstrait ! Il est possible de trouver son propre cheminement et d’organiser l’information à sa manière, tout en étant guidé pour trouver des représentations pertinentes.

ð  Il est plus efficace de se concentrer sur la représentation des liens et de la relation spatiale entre les éléments que sur les éléments eux-mêmes.

 

La compréhension

 

Bien souvent en maths, on entend ce genre de phrases ou de sentences : « il ne comprend rien » ou « elle n’a rien compris à l’exercice ». Mais ces difficultés de compréhension peuvent en fait se révéler être des problèmes d’attention ou être dues à des réponses trop spontanées sans faire appel à la réflexion, comme dans ce genre de problème :

Le sens des mots est en effet particulièrement important en mathématiques. Cette dimension linguistique constitue souvent un obstacle à la compréhension d’un concept.

Une représentation visuelle va permettre de combiner une représentation du sens du mot (sa signification) et de son sens mathématique (le concept).

 

Ex : représentation des résultats d’opérations 

Ou de termes statistiques :

Etendue : écart entre la valeur la plus grande et la valeur la plus petite

Médiane : valeur qui partage une série de valeurs en 2 parties égales.

 

Le théorème de Pythagore :

Certains élèves retiennent de Pythagore l’idée vague d’une égalité entre les longueurs mais les « carrés » ont disparu. Cela donne par exemple : BC = AB +AC.

 

Une méthode visuo-spatiale permet de « voir » que l’aire du carré construit sur l’hypoténuse est égal à la somme des 2 autres aires (la manipulation par des Lego comme ci-dessous permet vraiment de l’expérimenter en empilant les cubes verts sur les cubes rouges).

carré 1
carré 2

Ceci permet de bien faire la distinction entre l’aire de la surface des carrés formés par les côtés et les longueurs elles-mêmes de ces côtés. L’élève comprend et mémorise ainsi plus facilement.

carre 3

Ici une représentation poétique extrait du livre « Pythagore et la grande évasion des nombres » de Louise Guillemot, illustré par Anne Griot.

 

Que se passe-t-il dans notre cerveau ?

Des mathématiciens et des scientifiques militent aujourd’hui pour laisser plus de place à l’intuition et à la visualisation dans la pratique des mathématiques.

« Je crois vraiment que les mathématiques sont la science de l’imagination. Je sais que ça peut paraître très provocateur de le dire comme ça mais quand on lit les récits des grands mathématiciens, (…) ils ne parlent que d’imagination. » David Bessis, mathématicien

Einstein lui-même aurait dit : « L’imagination compte plus que le savoir ».

Jo Boaler est professeur d’enseignement des mathématiques à l’Université de Stanford aux Etats-Unis. Elle milite pour des mathématiques visuelles et créatives.

Son credo : encourager la pratique des dessins, des schémas, des diagrammes à tout âge et à tout niveau et arrêter de croire qu’ils sont réservés aux plus petits et aux plus nuls ! Moi-même, je milite beaucoup pour l’utilisation de brouillons et pour pouvoir ainsi dessiner, gribouiller, schématiser, faire une figure à main levée… Ces pratiques ne peuvent être que bénéfiques !

Et cela s’explique scientifiquement : les recherches ont démontré un lien étroit entre la pensée spatiale et la réussite en mathématiques (Mix et Cheng, 2012). Les personnes possédant de bonnes habilités spatiales obtiennent généralement de bons résultats en mathématiques : non seulement en géométrie mais aussi en arithmétique, calcul, résolution de problèmes… Il semble qu’il soit bénéfique de faire communiquer deux zones du cerveau : celle mobilisée lors de l’utilisation des symboles et celle activée par les représentations visuelles et spatiales (Park & Brannon, 2013).

Autre point sur lequel il faut insister pour casser encore et encore les croyances selon lesquelles certains seraient doués en maths et d’autres pas : les habilités de pensée visuelle et spatiale peuvent être améliorées par la pratique. Améliorer l’apprentissage de la pensée spatiale tout au long de la scolarité des enfants serait donc très efficace pour leur réussite globale en mathématiques.

Voici différentes façons de développer la pensée visuelle et spatiale :

        Représenter visuellement les données mais de manière schématique comme nous l’avons vu précédemment (mettre en avant les liens),

        S’exprimer avec des gestes et encourager les élèves à faire de même,

        Utiliser du matériel de manipulation : aide à saisir le sens du concept mathématique et développe la pensée spatiale,

        Encourager les élèves à visualiser le problème pour mieux le comprendre et le résoudre.

è Imaginez par exemple comment vous pourriez résoudre visuellement 18 x 5 et demandez ensuite aux autres ce qu’ils ont imaginé.

 

 

Voici quelques solutions visuelles à cette question (www-youcubed-org) :

Chacune de ces solutions permet de comprendre la multiplication et la distributivité. Cela met aussi en évidence qu’il y a de nombreuses façons d’imaginer un problème et sa solution.

 

En conclusion, nous pouvons synthétiser les différentes utilisations la pensée visuelle et spatiale en mathématiques :

·        Comprendre le sens d’un concept mathématique

·        Comprendre et mémoriser le vocabulaire utilisé

·        Résoudre un problème

·        Démontrer

Prenons un exemple simple de « démonstration par l’image » pour déterminer la somme des premiers entiers naturels :

1 + 2 + 3 + … + N = N x (N+1)/2

 

Et plus précisément dans la figure ci-dessous : 1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 = (6 x 7)/2

La démonstration rigoureuse est bien plus longue alors que la représentation visuelle permet de saisir très rapidement ce qui se passe.

 

Outre les avantages didactiques et scientifiques de la pensée visuelle et spatiale en maths, revenons à notre équation initiale dont le premier terme est : FUN !

Fun + Visuel = Motivation + Efficacité

 

Papier, crayons, couleurs, schémas : exprimez-vous comme vous le sentez !

Pouvoir appréhender les maths comme un terrain de jeu, d’expérimentation et de créativité peut, j’en suis sure, libérer certaines peurs et certaines croyances. Dès que le plaisir entre en jeu, tout est possible !

 

Elisabeth Néraud  elisabeth-neraud.com